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Paper Gods : l’album friandise de Duran Duran

Duran Duran Paper Gods
Le 14ème album de Duran Duran, sorti le 12 Septembre 2015, remporte un magnifique accueil autant auprès des critiques que du public, n’en déplaise à Warner Music France, qui n’a pas daigné communiquer un seul mot sur la sortie du disque. En ayant débuté directement à la 10ème du Billboard Top 200, Paper Gods constitue le meilleur « score » du groupe depuis 22 ans et son fameux Wedding album. Il s’est placé directement 2ème des ventes en Italie, 5ème en Grande Bretagne, 4ème aux pays-Bas, 8ème en Belgique et … 60ème en France, si bien que Simon Lebon a récemment déclaré que le groupe n’était « pas sûr de venir jouer en France » (merci le label …)

Il aura fallu deux ans aux fab four pour peaufiner leur nouveau bijou, fruit d’un nombre impressionnant de collaborations diverses. Nile Rodgers, producteur aux doigts d’or, qui appelle volontiers Duran Duran « son deuxième groupe », celui à qui l’on doit la production de « The Reflex », « Notorious », « The Wild Boys », et quelques titres d’Astronaut, fait à nouveau partie du navire, tout comme Mark Ronson, à qui on doit l’album « All You Need Is Now » sorti en 2010, et qui mettait déjà la barre très haut. Un troisième producteur, le joli blondinet Ben Hudson, chanteur connu notamment pour une collaboration avec Jay-Z sur laquelle il samplait le Forever Young d’Alphaville a, quant à lui, sans doute plus que les autres, apporté une réelle touche de modernité au nouveau son Duran … Le groupe s’est également adjoint les services de jeunes artistes prometteurs comme la chanteuse australienne Kiesza et la pétillante Janelle Monaë. De notoriété plus confidentielle, le violoniste italien Davide Rossi, qui a notamment travaillé avec Coldplay, ainsi que le chanteur Jonas Bjerre et la chorale London Youth Choir, font partie de l’aventure. Cerise sur le gâteau, John Frusciante, ex Red Hot Chili Peppers, est venu hanter certains morceaux de Paper Gods avec ses sons de guitare tour à tour plaintifs (What Are The Chances ?) et enjoués (Northern Light). Alors que le génial « All You Need Is Now », à la fois épique et baroque, signait le retour du groupe à un son proche des trois premiers albums, ressemblant du coup bien souvent à un énorme exercice de style, « Paper Gods » est lui un opus résolument tourné vers le futur, tout à fait frappant de modernité.

Quelques mois avant sa sortie, Nude - Dance - Duran avaient été les trois mots clefs lâchés par Simon Lebon sur les réseaux sociaux pour qualifier la direction sonore de leur nouvel effort, tandis que Nick Rhodes, dans une interview au site internet CiteGAY.com parlait de quelque chose qui serait dans la lignée de l’album Notorious. La vérité c’est que Paper Gods dépasse haut la main toutes les attentes. Pour sa conception le groupe a d’ailleurs utilisé un matériel totalement avant-gardiste. Nick Rhodes a par exemple expérimenté un tout nouveau synthé tandis que le batteur Roger Taylor s’est fait la main sur un modèle inédit de batterie électronique. John Taylor quant à lui, s’est essayé à la basse électronique sur plusieurs titres. Au final, tous ces éléments combinés à « l’âme » de la guitare de John Frusciante, donne un objet intemporel, doté d’une vraie personnalité. L’album montre à quel point Duran Duran à la maîtrise des mélodies imparables et des lyrics percutants. D’une apparente disparité, voire incohérence, il commence pourtant par un chant quasi-grégorien, pour finir sur un chœur de fin du monde., comme pour signifier une sorte de symétrie à l’auditeur.



Surprenant, le premier titre Paper Gods, s’étale sur plus de 7 minutes. Plébiscité par Francis Zeigut, qui n’a pas manqué de le signaler sur twitter, il est quasiment la toute première tentative du groupe dans le domaine de l’electro progressive. Certains fans iront jusqu’à dire qu’avec cette chanson, le groupe a inventé un nouveau style. Chaloupé par la rythmique d’une basse et d’une guitare qui semblent dialoguer, Paper Gods est un formidable pamphlet, presqu’un slam contre les dérives de notre société consumériste, marquée par tous ces objets éphémères auxquels nous nous attachons. A cela s’ajoute un refrain très soul, évoquant les maîtres de cérémonie gospel, et des silences envoutants. On n’est pas loin du registre de Pink Floyd, Depeche Mode ou encore Brian Eno.



Rejeté par une partie des fans, le second titre Last Night in the City, dans la plus pure tradition euro-dance, tranche catégoriquement avec son prédécesseur. La place de ce titre est en effet plus qu’incongrue au premier abord et la douche peut sembler bien froide pour l’auditeur. Mais passé l’intro tonitruante de Kiesza, à la voix très connotée années 90 (Rozalla etc…), on retrouve un son totalement duranien, doté d’une énergie folle, rythmé par des Yeaaaah assez caractéristiques . Ce titre est véritable hymne fédérateur, ultra positif, taillé pour les dance-floors malgré quelques notes dramatiques de synthé en arrière plan, qui figurent probablement une fin du monde imminente dont tout le monde se fout.


 La chanson suivante, You Kill Me With Silence, peut peut-être crisper en raison de son intro assez aigûe et agressive au synthé, et des aïgus de Simon Lebon, qui pourrai évoquer Too Close To The Sun, pas vraiment la meilleure face B du groupe … Finalement après plusieurs écoutes ce grower devient un véritable bijou, gorgé de sensibilité, dont les arrangements font penser ni plus ni moins à The Chauffeur. Simon nous y gratifie de lyrics uniques dont lui seul a le secret. « If I had a knife, you could cut the atmosphere » ressort particulièrement du lot.


Pressure Off (feat Janelle Monaë et Nile Rodgers), premier single issu de ce nouvel opus, largement diffusé sur les radios internationales mais pas françaises, utilisé en synchro pour une pub de téléphonie mobile italienne, est probablement le plus influencé Notorious. Je défie quiconque de ne pas avoir envie de danser à son écoute, ou de reprendre le gimmick accrocheur « Ho Ho Ho Ho Ho » qui lui donne sa touche de modernité. Personnellement j’adore le bruit de « coup de frein » au synthé qui ponctue le titre en arrière plan. Le titre est frais, festif, et peut très bien s’insérer dans une playlist radiophonique entre Beyoncé et Shakira, à la différence des chansons d’ « All You Need is Now » par exemple. Grosse prouesse, le titre est toujours 34ème de l’airplay USA Radio, presque 5 mois après sa sortie et sans aucun clip, explosant un record jusque là établi par U2 …


La quatrième chanson, Face For Today est sans doute la plus arcadiesque de paper Gods, avec son refrain qui évoque facilement Goodbye Is Forever (on rappelle qu'Arcadia était un side project issu de Duran Duran en 1985, considéré par les fans comme le meilleur projet de Duran Duran). Les « Hey » y sont tout simplement jouissifs, et la ritournelle de synthé-violons en arrière plan est complètement étourdissante. Du grand art mais dommage qu’elle soit un peu courte…

Danceophobia (feat Lindsay Lohan) est un deuxième single potentiel, ultra entraînant et très psychédélique. Si vous êtes fan du groupe et que vous connaissez des non-fans, faites leur écouter et … découvrez leur sourire. Bon il faut dire aussi qu’il aurait pu sans souci appartenir au répertoire des Scissor Sisters … Assez déroutant à la première écoute, il s’inscrit rapidement dans la tête et vous fait rapidement taper du pied. Vous le qualifierez sans doute de « rigolo » avant de réaliser à quel point ce titre met la patate.

What Are The Chances ? immense balade dont seuls les fab four ont le secret, a été un peu vite accueillie comme le nouveau « Ordinary World » ni plus ni moins. Objectivement on est quand même en dessous, et s’il fallait trouver un point de comparaison, ce serait sans doute plutôt avec « Falling down », notamment à cause de sa rythmique assez similaire. Le titre reste implacable d’efficacité, poignant, entêtant, et la guitare de John Frusciante, plaintive comme le chant des baleines, y apporte un réel supplément d’âme.

Sunset Garage, nom de code éphémère de l’album, est aussi sa huitième chanson. Plutôt retro, elle sonne presque comme un vieux titre de la Motown (The Suprême par exemple), un territoire jusque là non exploré par Duran Duran … Le rythme de la batterie peut aussi facilement évoquer le Freedom de Wham ! ou le Comme un Igloo de Daho. Simon Lebon y chante définitivement, et manifestement avec beaucoup de plaisir, comme un véritable crooner. Catchy en diable!

La chanson suivante, Change the Skyline, est-elle aussi un grand moment dance de l’album, mais on ne peut pas faire autrement que de se demander où est l’utilité de la voix de Jonas Bjerre, dont le registre vocal n’est pas très éloigné de celui de Simon. En fait la chanson aurait été co-écrite avec Brandon Flowers des Killers, et c’est lui qui initialement aurait dû chanter avec Simon Le bon. Cela n’a pas pu se faire pour des raisons de droits de maisons de disques, mais on peut imaginer ce que le résultat aurait sans doute été plus convaincant. Le titre au refrain planant, n’en reste pas moins accrocheur, ponctué par des gimmicks au synthé que certains rejetteront pour leur côté Bontempi, mais qui paradoxalement, ne seraient pas du tout reniés par des dj très actuels, comme par exemple un certain Calvin Harris …

Butterfly Girl, presque un duo avec la choriste Anna Ross tant son « temps de parole » y est important, est un pur moment de pop rock au refrain entêtant. Du vrai pop-rock américain… Il vient d’apparaître en bande son du dernier épisode de Grey’s Anatomy aux USA.

Only In Dreams, où intervient le magicien Nile Rodgers, est une superbe balade up-tempo funky jazzy, destructurée par un gimmick de synthé inattendu, mais qui injecte pourtant une vraie modernité à ce titre. On sent l’influence des nouveaux instruments utilisés, notamment via des sons presqu’indescriptibles, proches du bruit que font les balles de squatch en rebondissant sur les murs, en arrière plan. Un titre assez très planant, expérimental, qui impose une atmosphère très spéciale.

Universe Alone, chef d’œuvre absolu qui termine admirablement ce quatorzième album, pourrait et devrait désormais être le titre le plus choisi lors de funérailles. Une vraie chanson de fin du monde avec une section de cordes complètement magique, des lyrics incroyables, une déflagration de riffs de guitares inattendue, et un final en apothéose, sur des chants angéliques, post apocalyptiques. Heureusement cette chanson, majoritairement mélancolique, et qui pourrait facilement être utilisée comme générique de fin d’un prochain James Bond, contient tout de même une petite touche d’espoir, en évoquant la possibilité d’un au-delà…

Comme à chacune des sorties de leurs albums, Duran Duran gratifie ses fans de titres bonus, disponibles uniquement sur des versions Deluxe. Planet Roaring, Valentine Stones et Northern Lights sont ainsi disponibles sur la version Deluxe, tandis que Cinderella Ride et On Evil Beach apparaissent sur la version japonaise de Paper gods. Un autre inédit As Seen From A Distance, n’a toujours pas été dévoilé.

La qualité de ces bonus est elle aussi plutôt haute …

Si Planet Roaring se distingue par son rythme morodorien, son orientation définitivement rock, et son refrain entraînant, ce n’est pas pour autant le titre qui paraît vraiment indispensable.

Valentine Stones revêt par contre un intérêt supérieur, avec un refrain délivré assez tardivement, ce qui fait qu’on n’adhère pas forcément à la chanson dès la première écoute. On reste dans les ambiances funky new wave, un son purement duranien…

Northern Lights, probablement le meilleur bonus de cet album, marque le retour de Duran Duran à la tradition des longues intros mystérieuses. On entend d’abord des bruits de pas dans la neige puis des essoufflements, presque comme sur Hungry like The Wolf. Là encore on est emporté dans un tourbillon de disco morodorienne, mise en relief par un superbe solo de guitare de John Frusciante. Un titre extrêmement addictif dont on ne comprend pas pourquoi il ne fait pas partie intégrante de l’album, après paper Gods par exemple, où sa place aurait sans doute été plus cohérente que Last Night in The City.

Cinderella Ride, bonus mélancolique disponible sur la version japonaise et américaine (Target) de l’album, a lui aussi un charme tout particulier. On y découvre un Simon assez émouvant avec une voix qui évoque Chris Isaak…

Enfin, On Evil Beach, face B caractéristique de Duran Duran nous entraîne dans une atmosphère caribéenne au son des steel drums. Pas vraiment un reggae, mais assez proche dans l’esprit, ce titre estival évoque les Beachs Boys, ou tout simplement le titre Time For Temptation, des bonus du Wedding Album. Fait intéressant, un son de silencieux semble tout droit avoir été copié-collé du titre Watching The Detective, reprise d’Elvis Costello qui figure sur l’album Thank You.

A l’image de l’artwork de l’album, signé de l’artiste contemporain Alex Israël, Paper Gods est comme un gros paquet de bonbons, avec plein de goûts différents. Un condensé de pop parfaite, avec toutes ses facettes. C’est sans doute le plus riche des albums de Duran Duran et le plus tourné vers le futur. Avec lui le groupe a vraiment prouvé qu’il pouvait toujours se réinventer, surprendre, tout en restant fidèle à son identité. Chapeau bas !

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